
Dans les quartiers pauvres de Lima, les montagnes reculées du Guatemala ou les favelas de Rio, des milliers de filles se battent chaque jour pour continuer à apprendre. Confrontées à la pauvreté, aux violences domestiques, aux grossesses précoces ou encore aux crises politiques, elles sont nombreuses à être contraintes d’abandonner l’école. Pourtant, à travers des téléphones portables, des plateformes d’e-learning ou des programmes de mentorat en ligne, une autre voie s’ouvre pour elles : celle du numérique.
Des écrans comme fenêtres sur le savoir
À Santa Cruz, en Bolivie, Carla, 15 ans, utilise l’application Kolibri sur une tablette prêtée par une ONG locale. « Je ne pouvais plus aller à l’école depuis la pandémie. Mais avec Kolibri, j’ai pu rattraper les maths, l’histoire, même la biologie. » Sa mère, vendeuse ambulante, l’encourage : « C’est notre seule chance. Elle doit apprendre. »
En Colombie, l’initiative TICs para la Paz propose des contenus éducatifs et psychosociaux aux filles déplacées par les conflits armés. Grâce à un serveur local et à des cours hors ligne, elles peuvent continuer à étudier, même dans des zones sans internet.
Au Mexique, le programme Laboratoria accompagne les jeunes femmes défavorisées dans l’apprentissage du codage, de la programmation et du design web. À travers des cours en ligne et du mentorat virtuel, il leur permet d’accéder à des métiers jusque-là réservés aux hommes et à l’élite urbaine.
Des freins persistants
Malgré ces initiatives, les inégalités restent profondes. Selon l’UNICEF, plus de 10 millions de filles en Amérique latine sont en situation de décrochage scolaire ou risquent de l’être. Les causes sont multiples : manque d’accès aux technologies, coût des appareils, violences sexistes à la maison, ou encore réticences culturelles vis-à-vis de l’éducation des filles.
Lucía, 17 ans, vit dans une zone rurale du Honduras. « J’ai un téléphone, mais je dois demander à mon père pour l’utiliser. Il pense que ce n’est pas utile que je continue mes études. Il veut que je me marie. »
L’importance du soutien local
Face à ces défis, des associations locales jouent un rôle clé. À El Salvador, l’ONG Conectadas forme des jeunes filles aux outils numériques tout en leur offrant un espace sûr pour discuter de leurs droits. En Argentine, des réseaux de femmes enseignantes accompagnent virtuellement des adolescentes dans leur parcours scolaire, malgré la distance.
Ana Paula, tutrice dans une coopérative éducative au Brésil, résume : « Le numérique seul ne suffit pas. Il faut des gens derrière, pour encourager, écouter, orienter. Sinon, la technologie reste un luxe inaccessible. »
Une lutte qui se connecte
En Amérique latine, la technologie devient un levier d’émancipation féminine, mais elle doit s’inscrire dans des dynamiques sociales plus larges. Connecter une fille à Internet, c’est lui offrir une voix, une chance, un avenir. Mais c’est aussi poser la question : quelle société voulons-nous construire pour qu’elle puisse en faire pleinement partie ?