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Source photo : page facebook Gaëlle Bien-Aimé

Dossier agression sexuelle sur Gaëlle Bien-Aimé, la victime témoigne

Il y a quelques jours, une séquence audio publiée sur facebook a capté l’attention de plus d’une. Sur cette bande, on peut entendre la voix de l’humoriste et comédienne Gaëlle Bien-Aimé avouant avoir été agressée par Junior Dorcin communément appelé Rigolo en 2014. Le son est tout de suite devenu viral. Pour Dofen News, Gaëlle revient sur cette expérience.

Dofen News : Pouvez-vous nous dire d’où provient l’audio qui circule sur facebook ?

Gaëlle Bien-Aimé : La semaine dernière j’ai participé dans un podcast qui s’appelle « On ti pale » et le sujet était : Pourquoi les victimes de violences font silence ? J’expliquais tout le mécanisme psychologique qui se cache derrière ce choix. J’ai donc décidé de témoigner. Ayant été victime, moi aussi j’avais gardé le silence. J’ai expliqué que j’étais avec Junior, chez lui et qu’il m’avait agressé. Il avait tenté de m’embrasser et c’était un acte assez hardi. Il y avait, à la limite, de la force physique parce qu’il voulait à tout prix que je le fasse et que moi je ne voulais pas. J’estimais, à l’époque, que je n’aurais pas dû être dans cet espace avec lui. Je me culpabilisais, je m’étais demandée est-ce parce que je blaguais tout le temps ou parce que j’étais cool ou est-ce qu’il avait pris ma façon d’être pour une invitation.

Le fait qu’il ne m’avait pas écouté et a continué de m’importuner comme si mon refus n’avait de l’importance, m’a pesé pendant des années. J’ai fait ces révélations dans le podcast pour expliquer pourquoi j’étais gênée d’en parler. Après tout ce temps, j’ai eu la force de dire son nom dans un podcast et je ne regrette absolument rien. Ce qui me dérange, c’est que le son ait été manipulé et partagé sur les réseaux sociaux comme un scoop. Personne n’a pris le temps de chercher la source. L’une des raisons est que la plupart des haïtiens n’écoutent pas les podcasts.

D.F : Est-ce que tu regrettes d’avoir gardé le silence et d’avoir eu honte ?

G.B-A : Entre mes 26 et 32 ans, je pense que j’ai vu, j’ai lu, j’ai regardé et j’ai vécu beaucoup de choses. Quand la Gaëlle d’aujourd’hui parle à celle qui a subi et vécu cette agression, je lui dis que son silence était compréhensible, qu’elle n’avait pas pu parler. Je ne peux pas dire que je regrette d’avoir eu honte car cette dernière vient systématiquement. Il ne faut pas oublier qu’on vit dans cette culture du viol où la société met en place un mécanisme de défense et où elle argumente en blâmant la victime: “Qu’est-ce que la personne qui a subi l’acte faisait là ?”. Ces commentaires font que cette dernière se culpabilise. J’avais raison d’avoir honte parce que je ne comprenais pas. Aujourd’hui c’est tout le contraire. Je ne suis en rien responsable de ce qui m’était arrivée. On ne peut pas être avec un ami ? C’est quoi ce délire de toujours vouloir légitimer l’agression ? C’est quoi ce délire de toujours dire à la victime qu’elle n’aurait pas dû être dans cet endroit ? Aujourd’hui, je suis confortable d’avoir pris du temps et de pouvoir dire son nom.

D. F : Selon vous, comment la mentalité de la société qui légitime tout le temps un viol ou une agression pourra t-elle changer ?

G.B-A : Ce qui pourrait changer la société par rapport à cette culture, c’est d’une part éduquer les filles et les garçons. Faire comprendre à ces derniers qu’ils ne sont pas les maîtres suprêmes de l’univers. Leur faire comprendre que ce qu’il porte dans leur pantalon(leur sexe) n’est pas un fouet pour corriger une fille très belle, sexy ou une autre qui se trouve dans sa chambre. D’autre part, on doit se battre pour un état de droit car même s’il y a une loi dans le décret de juillet 2005 qui condamne l’agression au même titre que le viol ou la tentative de viol, cela demande un courage titanesque à une femme d’aller porter plainte parce que la société la rabaissera, la verra comme une personne sale, comme une pute.

Les gens refusent de comprendre cette notion de consentement qui n’est pas illimitée. Ce qui intéresse les gens ce n’est pas le fait d’en parler, de dénoncer tout de suite ou après. Pour eux, j’aurais dû fermer ma gueule car venir avec ce débat dans l’opinion publique c’est remettre en question le droit qu’un homme a sur mon corps et ça ils ne le veulent pas. Les femmes elles ne peuvent pas soutenir cette discussion car elles ont d’innombrables choses à cacher, elles ont vécu tellement de traumatismes. Quand une autre en parle, ça les dérange complètement et ça, ça doit changer.

La sociologue Darlene Clark Hine a inventé le terme de la culture de la dissemblance pour expliquer comment les américaines noires, qui subissent des agressions racistes de la part des hommes blancs, ont décidé de se taire sur les agressions sexuelles des hommes noirs. Elles ont choisi de faire silence pour ne pas en parler aux hommes blancs afin d’éviter qu’ils s’immiscent dans leur vie. Cette culture de dissemblance, cette manie de tout garder pour soi soutient, directement ou indirectement, que des jeunes filles se font violer par leur père, leur oncle ou leur proche car pour eux, les linges sales se lavent en famille et la réputation de la famille ne doit pas être salie.

D.F : Après avoir révélé le nom de votre agresseur, a t-il essayé de vous contacter ?

G.B-A : Je dois dire qu’il ne se rendait pas compte qu’il était en train de m’agresser. Il n’avait pas conscience qu’il était dans un délire, qu’il était comme un drogué en manque. Je l’insultais. Il disait que j’étais capricieuse d’où mon refus, que toutes les femmes en veulent. Il a fallu que je lui fasse comprendre que je n’en voulais pas.

J’avais dû m’armer de courage, chercher une force inouïe en moi pour le repousser et lui dire que je ne voulais pas coucher avec lui, qu’il devait me ramener chez moi. Je lui avais fait comprendre que forcer une femme à avoir des relations n’est pas digne d’un gentleman. Les gentlemans ne font pas ça et ceux qui le font ne sont que des goujats qui se croit charmant et désiré. Le lendemain de l’agression, il m’avait présenté des excuses. Après avoir relevé son nom, il n’est pas rentré en contact avec moi parce qu’on ne s’est jamais reparlé depuis.

Quelque chose de bon s’est produit après la diffusion de l’audio sur les réseaux sociaux puisque d’autres filles ont témoigné contre lui. Aujourd’hui je peux parler mais elles, elles sont encore vulnérables.

D.F : Que diriez-vous à une fille/femme qui a subi des agressions/viols mais qui a décidé de ne rien dire ?

G.B-A : Je lui dirais que son silence est légitime car elle vit dans une société qui ne veut pas entendre parler de ces choses. Mais si elle a assez d’orgueil et de colère pour sortir un jour de son silence, je lui dirai que si on nous fait croire que le silence est légitime, ça ne peut pas être la norme.

D.F : Pourquoi avez-vous choisi de répondre à nos questions par écrit au lieu de le faire de vive voix comme vous l’aviez fait dans le podcast ?

G.B-A : J’ai décidé de faire attention, d’éviter que ma voix circule sur les réseaux vu qu’ils ont fait n’importe quoi avec mes propos dans cette affaire. Parmi toutes les plateformes, il n’y a qu’une seule personne qui m’a contacté, une femme d’ailleurs, pour me demander si l’information était vraie. Les gens ont fait n’importe quoi. Ils ont découpé le son et l’a juxtaposé sur une séquence vidéo qui date de mon passage sur le plateau de l’émission « Pi lwen ke zye » ou j’avais embrassé Junior sur le nez pour insinuer que si j’avais pu lui faire un bisou sur le nez sur le plateau et que je ne voulais rien faire avec lui dans sa chambre, c’est que je ne faisais que des caprices. Les gens ne comprennent pas que je l’avais embrassé sur le nez de mon plein gré, peut-être pour faire le show. Mais dans l’intimité, je ne voulais pas. Pour l’instant, je m’abstiens de faire circuler ma voix.

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