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Lettre ouverte de Stéphanie Schneider

Ce matin, j’ai lu le Nouvelliste. Comme ça, par hasard. Et je suis tombée sur un article signé Christophe Spahr. Voici la lettre que je lui ai adressée suite à cette lecture.

Cher Monsieur Spahr,

Je vous adresse cet email suite à la parution de votre article intitulé : « Tennis : Serena Williams, une vraie faute de goût », dans le Nouvelliste du 5 juin 2018.

En votre qualité de responsable des sports, vous dites tout d’abord ceci : « Je ne comprendrai définitivement jamais les « grands couturiers » ». Et bien tout ceci me paraît d’une logique implacable : vous êtes responsable des sports, et non de la mode ou de la fashion week 2018. Par conséquent, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi et comment on imagine une telle tenue. Je vous encourage donc à rester dans votre domaine de compétences car, en définitive, cela nous importe peu de connaître votre avis au sujet des vêtements portés par Serena Williams lors du tournoi de Roland Garros. D’autres journalistes seront plus aptes que vous à nous parler de mode. Par contre, parlez-nous de son jeu, de son retour sur les courts après un an d’absence. Là, oui, on lira volontiers ce que vous avez à nous dire.

Puis, vous continuez en affirmant : « Ce n’est ni insultant ni moqueur d’affirmer que l’Américaine n’a pas le physique adéquat pour se déhancher, sur un court, dans une combinaison aussi moulante qui met avant tout en évidence ses formes très généreuses ». J’ai ici aussi une proposition : lors du prochain match, essayez de vous concentrer sur le jeu des joueuses, et non sur leurs fesses. Car il faut le savoir : les joueuses de tennis ne se déhanchent pas sur le court, ELLES JOUENT AU TENNIS. Oui oui je vous l’assure. Elles ne défilent pas sur un podium de mode. Encore mieux : elles ne sont pas là pour distraire et émoustiller la gente masculine ou féminine. Ce sont des athlètes d’une puissance remarquable, au talent incomparable et au courage admirable. Dans le cas de Serena Williams, revenir avec cette qualité de jeu seulement 10 mois après avoir donné naissance à son premier bébé nous donne une simple idée de sa force mentale et de sa volonté. Ce n’est pas un hasard si elle est l’athlète féminine la mieux payée au monde, selon le classement Forbes 2017. Quelle femme et quelle athlète !

Enfin, vous écrivez au sujet d’une tenue similaire portée par Anna White : « Une tenue qui, par ailleurs, la mettait particulièrement en valeur. Elle… » Là encore, les lecteurs du Nouvelliste peuvent constater ce qui vous intéresse chez les joueuses de tennis. Donc, selon vos arguments, ce qui vous dérange réellement, ce n’est pas la tenue de Serena Williams en elle-même, mais le fait que son corps, très puissant et musclé, n’est apparemment pas à votre goût. Alors là aussi, je dois vous dire que le lecteur n’a cure de connaître vos préférences physiques. Je ne vois aucun problème à ce que vous parliez de ça au moment de l’apéro entouré de vos semblables, car là vous êtes libre d’être sexiste et paternaliste et je ne peux alors rien faire pour vous. Mais lorsque vous vous adressez aux lecteurs du Nouvelliste, je pense qu’il est honnête d’attendre de vous une information de qualité centrée sur les événements sportifs. Mais dites-moi, qui êtes-vous pour décider ce qu’une joueuse peut porter ou non ? Réveillez-vous Monsieur Spahr, nous sommes au 21ème siècle, et ce n’est plus à l’homme que revient le droit de décider ce que la femme peut faire ou non !

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Lettre ouverte de Stéphanie Schneider 4

Si Serena Williams, fière de ses formes et de sa puissante carrure (qui la hisse au sommet du tennis mondial), souhaite porter cette tenue moulante, elle a le droit de le faire sans que vous ressentiez l’obligation, depuis votre fauteuil de journaliste moralisant et machiste, de juger de son bon goût. Il vous suffirait en outre d’ouvrir un peu les yeux pour comprendre que vos codes esthétiques issus de la communauté blanche, ne sont absolument pas partagés par une grande partie d’autres cultures mondiales où les formes très généreuses comme vous dites, sont célébrées comme l’apogée de la beauté féminine. Et encore ceci : les femmes disposent de leur corps comme elles le souhaitent, elles ne sont pas votre propriété. Secouez-vous, Monsieur Spahr, vous dormez !

En résumé, vous êtes tombé dans tous les pièges lors de la rédaction de votre article : le piège du paternalisme, celui du sexisme et celui du racisme ordinaire. Vous avez une responsabilité envers les lecteurs du Nouvelliste : celui de lui fournir votre regard d’expert au sujet du sport. Tenez-vous en à ce domaine. Vous êtes payé pour ça. Et si vous souhaitez faire preuve de machisme de bas étage, faites-le en privé et non publiquement. Ne nous polluez pas avec vos remarques libidineuses et peu pertinentes. Vous nous faites perdre notre temps.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire, Monsieur Spahr, et je vous souhaite un merveilleux tournoi de Roland Garros.

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