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Source photo page Facebook Saika Ceus

Un roman d’introspection : Tifi de Saïka Céus

Coup de projecteur sur le roman Tifi, roman d’expression créole, de la lauréate du prix littéraire Henri Deschamps 2017, Saïka Céus. L’auteure a fait la une première vente-signature de son œuvre à l’hôtel Royal Oasis le jeudi 21 décembre dernier. Cette année, elle sera d’office en vente signature chez les Éditions Henri Deschamps. En ce qui me concerne, je trouve que c’est un roman d’introspection. Essentiellement, l’œuvre vous plonge dans votre haïtianité encore plus dans votre humanité.

Pour la 24e édition de la grande foire Livres en folie 2018, une kyrielle d’activités de dialogue, baptisée Quinzaine du livre, est engendrée entre le public, les invités d’honneur, ainsi que d’autres auteurs qui seront en signature à l’occasion. Cette année, le grand rendez-vous est fixé le 31 mai et 1er juin  2018.

Tifi: un titre accrocheur
En effet, le titre interpelle. Je vous dis pourquoi. Dans la conscience linguistique haïtienne, Tifi désigne plusieurs réalités. Comme on dit, c’est le ton qui fait la chanson. Tifi peut désigner la virginité. À juste titre, le roman traite de viol. Dans un sens péjoratif, Tifi désigne les filles en domesticité.
Appelez une jeune fille Tifi et vous entendrez qu’elle vous rétorque :
– Hey ! Tifi se kay madanm sa rete !
Tifi désigne toutes ces jeunes filles qui subissent le poids de toutes les violences, physique, morale et même sexuelle. À priori, on aura beau élevé la voix. Toutefois, le combat est loin d’être gagné en Haïti. Mais, Saïka est de celles et ceux qui ne veulent pas être complice d’un silence assassin.

Tifi, une œuvre qui bannit la langue de bois
Tifi nous plonge aussi dans un espace spatiotemporel réel. Une fiction aux zébrures de la triste réalité du pays en dehors (le monde rural).
Pourquoi avoir choisi d’écrire dans la langue de Trouillot quand on s’exprime aussi bien dans la langue française ?
Par choix personnel, Saïka a voulu faire une plaidoirie du créole comme elle le fait toujours.

Un roman qui salue le courage de nos femmes
“Notre vie vaut ce qu’elle nous a coûté d’efforts.”
[François Mauriac]
Tifi, le personnage principal, une enfant laissée à trois ans aux  bons soins de Madame Leroy, une missionnaire religieuse. Évidemment, sa mère aura vu en cette possibilité l’offre d’un rêve qu’elle n’aura pas su offrir à son unique fille. Mais, ce rêve sera tué à coups de fouet, sous un bourreau qui l’aura mise enceinte dès ses seize ans. Aussi, on aura compris toute l’hypocrisie religieuse et l’injustice sociale dénoncée.
« Lewa sèmante pitit la pap fèt nan kay la, se moun legliz yo ye. »
Renvoyée de force, dans son village natal, sans parent ni ami, elle reviendra sans même savoir son nom. Comment une jeune fille sans « mari » ni profession va-t-elle vivre avec 56 Gourdes ?  Que va-t-elle manger? Qu’en est-il de son accouchement ?
Madame Leroy lui a volé son identité et sa fierté. Pourtant, celle qui était considérée comme une moins-que-rien, un rejeton, une merde verra son courage récompensé à 45 ans en présence de toute la communauté du bourg. Un modèle de courage ! Chaque page vous transportera dans l’histoire de cette dame. Véritable parcours du combattant!

Tifi, un roman paysan?
Le roman paysan est un type de roman dans lequel les mœurs, les traditions, les coutumes du pays sont mis en exergue. Effectivement, j’ai eu l’impression de lire Zoune chez sa ninnaine de Justin Lhérisson en lisant Tifi. Notamment, l’œuvre se lit comme une lodyans.
Personnellement, j’ai l’impression de retrouver une part de moi, mes racines, la richesse de ma culture et la beauté de la langue créole. En outre, un étranger créolophone sera plongé dans l’imaginaire socio-culturel haïtien.

À partir de la page 100, on trouve une plaidoirie du vaudou à travers une conversation de personnages. Legba, Brav, Lenglensou, Papa Loko, sont entre autres des noms de loas qui sont mentionnés.
Nos us et coutumes y sont clairement décrits : partager un repas, indiquer l’heure à partir de son ombre, pratiquer les commérages, se faire vertement réprimander par une connaissance.
Sans oublier, le bon vieux rara ! C’est plus qu’un rythme musical. C’est une institution : major, dame-corbeille. Un roulement de tambour ne saurait ne pas vibrer nos entrailles…
Depi tanbou frape, Ayisyen leve danse.
Nos jeux traditionnels, tirer les contes, tout ce patrimoine culturel qui tend à disparaitre de la mémoire collective à l’ère de la technologie y sont évoqués.
Avez-vous déjà pris un lòk (purgatif fait maison)?
Un roman que je recommenderais à nos binationaux.

Tifi, un trésor linguistique
« L’homme ne naît pas dans la nature mais dans la culture ».
[Marina Yaguello]
La langue est produite par la culture et celle-ci est produite par la langue. Malgré le rôle que peut jouer une langue par rapport à l’identité d’une communauté sociale, ce sont les manières de parler de chaque communauté, les façons d’employer les mots qui sont porteuses de culturel.
Par exemple, connaissez-vous quelques variantes du créole haïtien comme celui du Nord ?
En général, on dit fè bagay (fè sèks) créole haïtien pour parler de faire l’amour. Néanmoins, la variété du Nord dira koke alors que pour le reste du peuple koke indique l’action de suspendre un objet.

Connaissez-vous des proverbes haïtiens ?
– Ki sa frize te fè pou koukou pou li te rele pitit li Frizelya.
– Bondye pa janm bay pèn san sekou.
– Se mò li pa konn pri dra blan.
Des interjections typiquement haïtiennes : Welele ! (Oulala!), Komèltèk ! (énervement), Ayayay ! (En vérité !), Adjedan ! (Avertissement).
Personnellement, je pourrais citer autant de nuances sur ce bijou écrit en langue créole. Un texte à lire !

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