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L’inadaptation, l’insuffisance, l’inefficacité des normes juridiques internes visant l’égalité homme-femme depuis la ratification du CEDEF

L’égalité homme-femme même au niveau mondial est un objectif à atteindre. C’est un processus qui implique des changements tant au niveau juridique que sociétal. En l’occurrence, il ne suffit point d’avoir un cadre normatif égalitaire, mais également, un changement profond des mentalités afin de s’assurer du maintien des droits des femmes acquis même en temps de crise.

En Haïti, depuis la ratification le 7 avril 1981 de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) à nos jours la condition juridique et sociale de la femme évolue sûrement, mais lentement. Cependant, malgré des progrès notables, notamment, le décret du 22 octobre1982 sur le statut de la femme mariée, la Constitution de 1987 amendée qui accorde à la femme tous ces droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels, la loi du 6 juillet 2005 modifiant le régime des agressions sexuelles, et la loi du 12 avril 2012 sur la paternité, la maternité et la filiation, on ne dispose pas encore d’un cadre suffisant pour parler d’égalité Homme-Femme du point de vue juridique et sociale selon les prévisions du CEDEF. En effet, certains de ces textes sont discriminatoires, insuffisants et inefficaces.

Considérant premièrement le décret du 22 octobre 1982 sur le statut de la femme mariée. Bien qu’on le qualifie de libératoire envers les femmes mariées paradoxalement, il les rattache à leurs maris comme un accessoire. En effet, selon l’article 5 de ce décret, les époux choisissent ensemble la résidence familiale, mais le domicile conjugal reste celui du mari. Pour le législateur, il y a toujours un lien de dépendance qui unit la femme à son mari et de ce fait, elle doit donc accepter de le suivre dans son domicile en s’imaginant qu’elle a contribué à ce choix.

Juridiquement, cette règle conduit à une compréhension différente et discriminatoire de la notion d’abandon de la maison conjugale selon qu’il s’agit du mari ou de la femme. En effet, la femme peut être reprochée d’abandon dès qu’elle laisse ou ne suit point le mari dans le domicile légal. Cependant, pour le mari logiquement et légalement la notion d’abandon de la maison conjugale ne saurait exister puisque c’est sa présence en un lieu qui permet de le désigner en tant que tel. D’autre part, le décret dans son article 8 fait prévaloir également la décision de l’homme sur celui de la femme en ce qui concerne l’administration des biens. Le seul recours dont dispose la femme est de demander l’avis du doyen. Toutefois, combien sont celles qui oseraient ou qui savent qu’elles pourraient amener leur mari devant le doyen pour ce genre de problème ? La déduction logique face à cette disposition est que pour le législateur il n’y a pas d’égalité, l’homme reste et demeure toujours le chef du ménage, l’administrateur en chef des biens.

Définitivement, l’État conformément à son engagement au niveau de l’article 15 du CEDEF, doit réviser sa législation afin d’accorder et de reconnaître à la femme mariée la liberté de choisir son résidence et son domicile et la pleine capacité juridique sans restriction dans la gestion des biens communs au même titre que son mari.

A part le décret de 1982, il y a également des faiblesses dans le décret du 6 juillet 2005 modifiant le régime des agressions sexuelles et éliminant en la matière les discriminations contre la femme. D’abord, il y a l’absence des éléments constitutifs des infractions comme le viol et l’agression sexuelle. Le droit pénal étant d’interprétation stricte, il faudrait une définition claire de ces infractions dans notre corpus juridique. Ensuite, certaines violences physiques et sexuelles ne sont pas prises en compte. En effet, le féminicide, la violence conjugale à l’égard des femmes ne sont pas spécifiquement punis ainsi que les divers types de violences sexuelles comme le viol conjugal, l’harcèlement sexuel, les sévices sexuels, les violences gynécologiques. Dans les faits, le décret en négligeant ces formes d’atrocités laisse un vide juridique qui permet aux agresseurs de perpétrer des violences sur la femme tant au niveau familial que communautaire sans être inquiété.

Le troisième texte juridique à considérer est la constitution de 1987 amendée dans son article 17-1 qui instaure le principe du quota d’au moins trente pour cent (30%) de femmes à tous les niveaux de la vie nationale, notamment dans les services publics. Légalement, cette mesure temporaire spéciale est prise conformément à l’article 4 du CEDEF afin de diminuer les disparités entre les sexes au sein de la vie nationale cependant, il est aisé de constater son inefficacité sur le terrain. En effet, l’adoption de cette mesure n’accélère pas en elle-même la représentation des femmes au niveau des postes décisionnels. Elle devient un plafond à respecter sans chercher à évincer les causes profondes de l’inégalité de fait. Irrémédiablement, c’est un constat qui nous permet d’affirmer que le principe du quota, purement et simplement, est insuffisant pour une réelle égalité dans la représentation des deux genres au niveau public et surtout au niveau politique. La sous-représentation est une conséquence de la construction sociale de genre qui limite les femmes dans un rôle social ou elles ont des responsabilités familiales inconciliables avec l’exercice de la politique. Au final, pour un réel changement à long terme, il faudrait des efforts afin de changer les mentalités sur la place des femmes dans la société ainsi qu’une augmentation de leurs scolarisations pour accroître leur capacité intellectuelle.

En résumé, il est clair que les textes législatifs pris dans le cadre de la protection des droits des femmes en Haïti sont insuffisants. Cependant, au-delà de ces textes, des discriminations persistent également tant au niveau civil que pénal. Dans le premier cas, au niveau du code civil, on y retrouve des distinctions basées sur le sexe sans fondement dans lesquelles le législateur continue d’empêcher les femmes de jouir de leur droit de fonder une famille et de vivre librement. En effet, le législateur impose un délai de viduité d’un (1) an un (1) jour à la femme avant de s’enrôler en une seconde noce tandis que l’homme peut se remarier dès le lendemain du divorce. Si en 1825 cette règle avait toute son utilité afin d’éviter la confusion de paternité, actuellement, elle est totalement dépassée puisqu’un test de grossesse peut se faire en cinq (5) minutes. Également, selon l’article 265 du code civil, la femme de 45 ans ne peut divorcer par consentement mutuel. Il est vrai que dans la pratique cet article n’est pas appliqué cependant, il mérite d’être révisé. D’autre part, la législation pénale en vigueur punit l’avortement dans toutes les circonstances, la femme ne peut point disposer de son corps, et dans certains cas, on peut même parler de violation au droit de jouir d´un meilleur état de santé physique et mentale.

Finalement, au vu du CEDEF, la femme haïtienne en principe est censée être à l’abri des discriminations dans sa vie familiale, culturelle, professionnelle, politique cependant, lorsqu’on scrute la société que du point de vue juridique que sociologique, on est loin d’atteindre l’objectif recherché par la convention. Il est évident que la situation juridique, économique, socio-culturelle de la femme en Haïti est inégalitaire par rapport à l’homme. L’inapplication, l’insuffisance ou l’inefficacité de la législation ont une influence directe sur la vie réelle des femmes ou les préjugés et les discriminations persistent au niveau culturel et à travers la loi. Ainsi, face à l’inégalité de fait de la femme en Haïti, il est opportun de faire des plaidoyers afin de favoriser des réformes et des actions concrètes pouvant apporter de réels changements dans la condition de vie des femmes.

Rose Darley Michelle BEROTE

Juriste/Féministe

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