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Source photo : google news

« Pssst Mademoiselle », galanterie ou harcèlement ?

Remarques déplacées, regards pesants, sifflements, tentatives de séduction : on a toutes vécues ça au moins une fois dans notre vie. Etre contrainte à écouter des questions indiscrètes ou des propos impolis de jeunes inconnus dans la rue est une situation qu’on rencontre assez souvent en Haïti. Si pour eux ça rapporte à de la galanterie versus séduction, en réalité, ce n’est autre que du harcèlement, plus précisément du harcèlement de rue.

Par définition, le harcèlement de rue est le comportement adressé aux personnes dans les espaces publics ou semi-publics, sans leur consentement, afin de les interpeller. On peut citer, entre autres, se faire accoster dans la rue pour donner son numéro de téléphone, se faire prendre la main pour attirer son attention, être suivie par une personne qu’on ne connait même pas. Quand on ne réagit pas face à leurs insistances, ils ont l’habitude de dire : « Ey, bèl tipitit, ou menm wi. Gade lèw, yap rele’w wap fè stil ». Quand on remarque le nombre de jeunes femmes qui en sont victimes, on se demande si l’expression « Harcèlement de rue », existe vraiment en Haïti ou est-ce juste un cas de tout ce qui a de plus banal.  

La galanterie est le contraire du harcèlement (de rue). Selon Wikipédia, la galanterie est un code de conduite organisé autour de la femme, souvent sous la forme de propos ou compliments flatteurs. Vécue par beaucoup comme une forme de politesse et de savoir-vivre, elle est aussi considérée comme un moyen de séduction. Laisser la femme franchir le seuil de la porte en premier, lui céder sa place dans les transports en commun, l’aider à porter ses bagages sont toutes des formes de galanterie. 

Pour avoir une idée de comment les femmes voient ces deux (2) types de comportements, nous avons interrogé trois (3) générations de femmes : Rose-Andrée Niclasse, Fredelyne Tilus et Françoise Augustin. 

Originaire du Cap Haïtien et âgée de 20 ans, Rose Andrée est l’ainée d’une famille de quatre (4) enfants. Diplôme en Communication, elle est membre d’une Organisation socioculturelle « Entre Les Pages » et aussi Coordonatrice de ELP-Femmes, une structure qui a pour objectif d’instruire les femmes au monde littéraire et culturel. 

Fredelyne Tilus est elle aussi originaire du Cap-Haitien. Agée de 27 ans, elle est Médecin Généraliste, Conseillère Médicale et Responsable Logistique au sein de Lavi Pou Timoun Yo (LAPTY), un organisme de défense et de protection des droits de l’enfant en Haïti. Elle est aussi membre de VIP Femme (Vers l’Intégration de Professionnelle des Femmes), une organisation a but non lucratif qui prône l’équité de genre. 

Françoise Augustin, communément appelé « Miss Fanfan » est née à Port-au Prince en août 1982. Mère de trois fillettes, elle est professeure d’anglais à l’Institut Haitiano-Americain depuis plus de dix (10) ans. Elle offre aussi des cours d’anglais à domicile par le biais de sa compagnie spécialisée en la matière « Do You Speak English » (D.Y.S.E.). Très impliquée dans tout ce qui rapporte à l’émancipation de la femme, elle est membre de la Chambre de Commerce des Femmes Entrepreneures d’Haïti (CCFEH).

Dofen News : Pensez-vous que l’expression « Harcèlement de rue » existe en Haïti ?

Rose-Andrée Niclasse : Oui, je le pense. En Haïti, près de 90% des filles et des femmes ont vécu cette pratique de rabaissement personnel au moins une fois dans leur vie. Certains hommes ne se contentent pas de faire des remarques déplacées ou de siffler, ils te touchent quasiment.

Fredelyne Tilus : Oui, il existe. C’est devenu une nouvelle mode, une mauvaise. Tu es une jeune fille /femme belle et très coquette, tes vêtements te vont bien, tu marches dans les rues et dans moins de cinq minutes tu entends des sifflements, des commentaires sexistes, des interpellations ou insultes et tu es parfois victime d’attouchement. 

Françoise Augustin : Oui. Beaucoup. 

D.N : En avez-vous déjà été victime. Si oui, quel a été votre réaction ?

R.A.N : Oui, être harcelée dans la rue est devenue une habitude. Je suis jeune, belle et en plus j’ai une forme arrondie donc c’est un triple fardeau. Quand je dois sortir, ce n’est pas l’insécurité qui me terrorise le plus c’est plutôt l’idée d’être seule parce ce que je sais que je serai harcelée. C’est pour cela que je préfère sortir à deux ou à trois. C’est moins pénible. Porter une jolie robe ou se faire belle engendre des doutes et des confusions dans l’esprit des autres entre la satisfaction personnelle et la satisfaction sociale. Plus jeune, quand je devais vivre ce martyr, je marchais vite et dès fois je courais, mais maintenant je marche à mon rythme, je les ignore et je me dis que je suis habillée pour moi, selon mes envies et que je ne suis pas un objet sexuel.

F.T : Rire. Tout le temps. Surtout quand je porte mes leggings. Ma réaction ? Je continue ma route et je fais semblant de ne rien entendre et de ne rien comprendre. C’est mieux de les mépriser parce que si tu leur montres que tu comprends ce qu’ils disent, ils vont encore et encore insister. Comment faire comprendre à des « sans éduqués » qu’il ne faut pas harceler les jeunes filles/femmes dans les rues mais qu’il faut plutôt les respecter ? Je ne peux me battre avec eux. Je les évite tout simplement, j’évite également d’être proche d’eux pour écarter toute possibilité d’attouchement car je ne tolère pas ça. Dans certains cas, le mépris est la meilleure solution.

F.A : Ça m’arrivait lorsque j’étais plus jeune et que je n’avais pas encore de véhicule. Ça m’arrive encore aujourd’hui lorsque je sors sans voiture mais pas aussi souvent que quand j’étais jeune. Je me suis toujours sentie comme un morceau de viande… j’ai aussi ressenti un manque de respect énorme vis à vis de ma personne. 

D.N : Comment réagissez-vous quand une personne vous demande votre numéro dans la rue ?

R.A.N : Dans la rue, je ne parle pas aux inconnus. C’est peut-être un défaut, je ne sais pas, mais si quelqu’un veut me parler, il doit connaitre mon nom. Donc, je ne laisse pas assez de temps et d’espace à un inconnu pour me questionner sur mes informations personnelles.

F.T : Dépendamment de la personne qui se présente à moi. Je suis une professionnelle, un médecin et aussi un leader. Je le fais seulement pour des personnes avec qui je pourrais tisser des liens dans le but de réaliser de grands projets surtout à caractère social. Vu de ce contexte, ça ne me dérange pas d’échanger mes coordonnées. Toutefois, c’est la présentation la personne en question qui va déterminer cet échange de coordonnées.  

F.A : En tant que Femme Entrepreneure, j’ai l’habitude de donner mes coordonnées. Même si la personne me donne l’air d’avoir autre chose en tête ça ne dérange pas non plus parce que pour moi la finalité sera d’en faire une personne avec laquelle j’aurai des rapports professionnels. 

D.N : Pensez-vous que la galanterie masculine existe chez nous ?

R.A. N : Je dirai que oui puisque le fait d’ouvrir la portière d’une voiture pour une dame, lui tenir la porte au restaurant, lui tirer sa chaise sont des actes galants. Pour aller un peu plus loin, pour moi, ce sont juste des actes de politesse que toute personne peut accomplir. Aujourd’hui, les hommes se sont modernisés. Une modernisation de mufle car des années auparavant, ils n’étaient pas aussi grossiers et égoïstes. Toutefois, ce n’est pas un changement unilatéral parce ce que ce sont les humains qui ont perdu leur qualité de courtoisie, ce n’est pas/plus une question de genre.

F.T : Je dois dire que de nos jours presque toutes les mœurs et coutumes de notre société disparaissent. Ils ne nous en restent que très peu et « ce peu » est tellement insignifiant que je considère que ça n’existe presque plus.

F.A : Oui. On le voit de moins en moins mais oui, il existe encore. 

D.N : Quelqu’un a-t-il déjà été galant avec vous ? Si oui, quel a été votre réaction ?

R.A.N : Oui, il y a mon père et mes frères. Ils sont polis, serviables et très aimables. J’ai aussi quelques amis qui sont galants et qui ont pour devise de toujours faire plaisir aux filles. Avec eux, j’y suis habituée donc je réagis pas avec épatement. Je ne réagirai jamais comme ça non plus, ces actes de galanterie sont bien plus des actes de politesse que de séduction. C’est vrai que c’est totalement orchestré et dirigé vers les femmes mais ce sont des choses qui n’étonnent pas. 

F.T : Oui. D’abord, il y a mon père et ensuite mon petit ami. Lui, il l’est toujours. Je me sens, à chaque fois, comme une reine. Qui n’aime pas se sentir protéger, se sentir en confiance et être au petit soin ? Pour moi et je pense pour bon nombre de personnes aussi, aimer la galanterie n’est guère un signe de faiblesse voire de flatterie mais ça démontre plutôt combien t’es important aux yeux de la personne et qu’elle te valorise pour ce que tu es.       

F.A : Oui. Au moment des faits, je me suis sentie flattée. Et j’ai aussi senti que je n’ai pas été prise pour acquis. 

D.N : Selon vous, quelle frontière existe t-il entre la galanterie et le harcèlement de rue ?

R.A.N : Le respect! C’est ce qui diffère vraiment la galanterie de l’harcèlement. Si tu respectes une personne, tu t’adresses à elle gentiment, tu lui parles avec respect. L’insistance est un grand manque de respect, il faut respecter le « Non » d’une femme. La galanterie ne se rapporte pas à des expressions malsaines sur le corps, sur l’habit ou sur la façon d’être d’une personne. Les femmes sont tellement victimes d’actes sexistes qu’elles ont tout le temps peur. Oui, un homme peut être gentil ou totalement désintéressé mais il reste un inconnu et un homme. Donc le respect est un élément clé dans la manière d’approcher une femme.

F.T : Pour moi, les frontières qui existent entre les deux sont le respect dans l’acte, la courtoisie et la bienveillance.

F.A : Je vais utiliser une phrase comme élément de réponse. Dans la galanterie on trouve de la souplesse et dans le harcèlement on trouve une violence à l’état latent. 

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